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Intervention à l'école Galilée à Martigné (53)
LA FONTAINE DE LA SOLIDARITÉ
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PEINTRE &
SCULPTEUR

La Fontaine arbre de vie, arbre de création

Installée au milieu d’un clos de fleurs et d’arbres au feuillage frissonnant – une bulle végétale –, la fontaine de Leb est une oeuvre ouverte, qui s’offre à toutes les lectures. Portée dans la plénitude de ses couleurs et de ses formes par le chant de l’eau qui murmure et qui berce, elle est une invitation à la rêverie, au repos, à la méditation.

Au sommet de la fontaine, allongé sur un coussin tissé de feuilles, un personnage profite de cette alcôve de verdure. Est-il poète ? Est-il vagabond, bohème ou simple voyageur en proie à une rêverie ? Son regard est plongé dans le ciel.

Dans le registre du rêve et de la mythologie, il n’y a guère de différence entre la fontaine et l’arbre. L’eau et la sève bouillonnent d’un même mouvement, sont soumises au même cycle. Ainsi le coussin correspond-il à un nid, haut lieu du bercement et de la mue. 

Comme au sortir de l’hiver, l’arbre se pare d’un manteau de verdure. Le personnage qui s’y repose est entré dans une rêverie végétale, une rêverie de croissance pour laquelle un peuple de créatures apporte son aliment, son offrande. Chaque feuille est en effet un don offert par les êtres colorés qui gravissent les branches. Chaque feuille ou chaque plume, pourrait-on dire, puisque certains détails de la composition nous révèlent combien ces parures sont interchangeables. Le nid est par définition le lieu où se médite l’envol. Or, s’il est un oiseau qui doit se ressourcer avant chaque élan, c’est bien l’inspiration, dont la plus aimée des métaphores est précisément le vol. L’inspiration, que l’on peut voir ici incarnée par la gracieuse girouette ailée. De la sorte, l’homme qui sommeille en haut de la fontaine est certainement poète. Peut-être en ce sens figure-t-il l’artiste lui-même, mûrissant son oeuvre en train de croître dans la profondeur de ses songes.

Sous le soleil, dans les irisations de la fontaine, les couleurs vernissées brillent. Tandis qu’il reçoit ses offrandes de personnages hybrides, l’arbre offre son eau – sa sève, si l’on préfère – au bassin. Ainsi s’élabore et s’équilibre la solidarité, que l’oeuvre adopte pour titre, cherchant à entrer en résonance avec des thèmes d’actualité. Or, l’un de ces grands thèmes est la préservation des équilibres naturels du monde. À ce titre, la situation du rêveur est éloquente : positionné à la cime de l’arbre, il se trouve du même coup au faîte de l’univers. Lui seul peut redonner à cet axe d’écorce son feuillage, sa force vitale, sa sève. Lui seul a le pouvoir d’inverser le cours désastreux vers lequel l’homme a infléchi le monde. Et finalement, seul l’art peut redonner vie à ce qui dépérit.

L’oeuvre fontaine de Leb abreuve : on y donne l’espoir du printemps, on y reçoit la beauté qui se partage, une leçon de solidarité. Tout est présent : l’arbre, l’eau, les donneurs, les offrandes... Il suffit d’un peu de bonne volonté et la force d’un rêveur pour activer ou réactiver le cycle heureux des choses. Et le manège au bestiaire coloré se met en marche. Déjà, des poissons rouges nagent librement dans l’eau du bassin...

Comme dans l’ensemble de l’oeuvre de Leb, le bestiaire tient une place centrale. Il gravite autour de l’axe de la fontaine. Hydres, escargots, tritons, serpents, crabes, visage humain moulé sur le dos d’un ibis... C’est une faune hybride où les organes, les attributs, les couleurs s’agglomèrent librement. La surprise est constante : homme-chien, salamandres de feu, aux dents aiguisées et à la queue en spirale, chevaux aquatiques, hippocampe s’élevant majestueusement dans les airs, dragon à la chevelure flamboyante, tout à la fois volant et amphibie... À mi-hauteur, un homme-singe emporte son offrande de feuilles sous la forme d’ailes postiches. Il paraît quêter le soleil à la manière d’Icare, son corps est de feu.

L’axe autour duquel s’enroule la ronde colorée de ce bestiaire onirique, on l’a compris, c’est l’arbre de la Création, l’arbre de Vie. Arbre de promesse, arbre des mouvements à naître, arbre de la diversité inépuisable et étrange des vies... La Nature entière est représentée ici, avec parfois la complexité des relations qui l’animent : là, un requin mange un poisson qui dans le même temps en avale un plus petit, et c’est à la fois le cycle bouillonnant de la vie et la chaîne alimentaire qui sont décrits.

Les dons multiples et permanents que la Nature offre à l’homme sont également représentés sous les traits d’un pêcheur de thons rouges ou d’un chasseur de baleines. Ils illustrent une humanité qui a désappris à recevoir et ne sait plus que piller, alors même que, tout autour d’elle, grouillent les exemples qui montrent que l’offrande est le mécanisme principal de la vie. Mais il n’y a ni leçons ni sermons dans l’oeuvre de Leb, où seuls importent la matière à penser et l’aliment du rêve. La Fontaine de la Solidarité a bien été créée pour nous désaltérer, nous ressourcer et peut-être, clin d’oeil à Tatin, nous faire voyager.

Au fond, qu’y a-t-il de plus important que de regarder passer les nuages ? La dryade ébauche un pas de danse dans la brise. « Songe à la douceur / D’aller là-bas vivre ensemble », soufflet- elle, avec les mots de Baudelaire, au rêveur assoupi à la cime.

Marc Nagels
Écrivain

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